A la Perle des Mots...

"L'écriture est à mon âme
ce que les perles sont à mes mains ;
je ressors réjouie, je reviens guérie"

                      Donnakal CET'1DIL

 
 
 

 

PRUNELLE A LA CAMPAGNE


Chapitre I


Le Rêve de Prunelle
 

Prunelle rentrait de l’école et, encore une fois, elle se fit gronder ! Ah, zut ! Elle avait eu une mauvaise note en rédaction, et ce n’était pas la première… Ce n’est pas qu’elle manquait d’imagination ! Pour ça, non !!! Mais c’est justement parce qu’elle était tellement rêveuse qu’elle faisait beaucoup de fautes d’orthographe. Et ça, ça ne pardonnait pas… Sa maman était découragée. Elle ne savait plus quoi faire pour apprendre à Prunelle à se concentrer. En attendant de trouver une énième punition, elle l’envoya dans sa chambre faire ses devoirs.

 

Prunelle était une petite fille très gentille et toute mignonne : elle avait des tâches de rousseur sur ses joues roses et rebondies, un petit nez retroussé et deux jolis yeux bleus, si bleus qu’ils ressemblaient à des myrtilles. Son plus grand charme était ses longs cheveux blonds, que sa maman se régalait à brosser : elle lui faisait des tresses, des couettes, une queue de cheval sur le côté…. Prunelle était toujours très joliment coiffée !

 

Ce soir-là, elle monta dans sa chambre et se mit courageusement à ses exercices. Au bout d’un petit moment, un léger bruit attira son attention ; c’était un pigeon qui venait picorer sur le bord de sa fenêtre. Prunelle l’observa sans bouger mais pffff ! il s’envola. Elle le regarda partir et ses pensées s’envolèrent avec lui. Où donc pouvait-il bien aller ???

« Oh ! Il doit certainement partir pour la campagne, pensa Prunelle. Là où les prés sont verts, où le soleil brille et où il n’y a personne à des kilomètres à la ronde. Là où les champs finissent par se confondre avec le ciel, avec seulement un arbre centenaire solitaire pour couper la ligne d’horizon. »

Prunelle se voyait très bien dans cette belle campagne verdoyante !

 

C’est alors qu’elle rencontra Alfred et Pomme, un adorable couple d’écureuils ! Alfred était fou amoureux de Pomme, qui le lui rendait bien. Ils étaient ensemble depuis plusieurs années, et ils étaient amoureux comme au premier jour. Entre deux bisous, ils cachaient un peu partout des noix, des noisettes, des graines en tout genre : ils faisaient leurs réserves pour l’hiver ! Un peu sous le tilleul, un peu sous les tournesols qui poussaient dans le fossé, un peu ici, un peu là… Bref, il y en avait partout ! Prunelle pensa tout haut « Mais comment font-ils pour retrouver toutes ces graines, l’hiver venu ? » Et là, oh surprise, Alfred répondit : « c’est parce qu’on les cache toujours au même endroit ! » Des écureuils qui parlent ! Avait-on jamais vu ça ! Mais c’est super !

 

C’est alors que Pomme ajouta, augmentant la surprise « Tu sais, tout les animaux parlent ici. Et toi, comment t’appelles-tu ? »

« Je m’appelle Prunelle. Pourquoi ? Vous avez, vous aussi, des prénoms ? »

« Bien sûr » répondit Alfred. « Il y a Allumette la Chouette, Pierre le Hibou, BiGoût le Loup, et beaucoup d’autres ! Veux-tu les rencontrer ? »

« Oh oui !!! Avec plaisir ! » dit Prunelle, et elle ajouta en pensée «  Ca alors, c’est génial ! Des animaux qui parlent !»

C’est alors qu’elle LE vit… Le loup ! Un loup approchait ! Les petits écureuils ne le voyaient pas arriver, le loup était derrière eux ! Mais Prunelle avait si peur qu’elle en avait perdu la voix… Devant son air terrifié, Alfred et Pomme comprirent ce qui se passait. Ils accueillirent gentiment le loup et annoncèrent à Prunelle : « Prunelle, voici BiGoût, le loup » « BiGoût !? » s’exclama Prunelle. Mais elle n’osa plus rien ajouter, de peur de vexer le loup. Pourtant, elle pensait « Quel drôle de nom ! »

 

Alfred avait compris son interrogation et expliqua « Oui, BiGoût est un loup repenti. Il a été longtemps puni pour avoir voulu manger des petits enfants. Il n’en a jamais mangé aucun, mais on l’a quand même puni pour avoir essayé. Maintenant, il a bien promis qu’il n’en aurait même plus l’idée ! » BiGoût acquiesça. Il se pencha vers Prunelle et lui dit « Bonjour Prunelle, où habites-tu ? » « Oh, loin d’ici… » « Ah ! Et que fais-tu ici ? Tes parents savent où tu es ? »

 

Patatrac ! Prunelle se retrouva assise devant son bureau, et sa feuille… blanche. Sa Maman n’allait pas être contente, ses leçons n’avaient pas beaucoup avancé ! Par contre, elle avait fait un bien joli voyage !

 

 

Chapitre II

Allumette la Chouette

 

Les deux coccinelles regardaient dormir Prunelle avec attendrissement. Elles discutaient tout bas pour savoir comment réveiller la petite fille : devaient-elles lui chatouiller le menton, faire du toboggan sur ses joues roses et rebondies, ou attendre en jouant à cache-cache parmi les plis de sa chemise de nuit blanche imprimée de petits lapins bleus ? Toutes ces idées les faisaient pouffer de rire et elles étaient excitées comme des puces. Elles en étaient là de leurs cogitations lorsque Prunelle poussa un grand cri : elle venait de faire un cauchemar. Les coccinelles eurent la plus grande frayeur de leur vie ! Elles s’envolèrent, s’engouffrèrent par la fenêtre et disparurent dans la chaude nuit d’été. Prunelle les suivit du regard et partit avec elles en pensée…

 

Elle se demanda si elle retrouverait Alfred et Pomme ? Il faisait nuit noire ! Ils devaient dormir ?! En tout cas, elle espérait une chose, ne pas se retrouver seule avec BiGoût le loup. Il avait beau avoir promis de ne plus manger les petites filles, ça lui donnait la chair de poule rien que d’y penser !

 

C’est alors qu’une chouette ulula. Prunelle leva aussitôt la tête, ce qui attira le regard de la chouette vers le bas. Elle s’approcha de Prunelle et se posa sur une branche proche du sol « Bonsoir Prunelle ! »

 

Prunelle était encore surprise d’entendre des animaux parler, mais sa surprise était d’autant plus grande que la chouette connaissait son prénom ! Elle finit par retrouver l’usage de sa voix et dit « Bonsoir, Madame la Chouette ». La chouette se mit à rire « Allons, pas de Madame entre nous ! Je m’appelle Allumette. » Prunelle ouvrit de grands yeux ronds (qui, soit dit en passant, la firent ressembler momentanément à la chouette) et ne put s’empêcher de penser « une chouette qui s’appelle Allumette… Hum ! »).  Allumette lui dit « Ah, mais mon vrai prénom n’est pas Allumette, en réalité, je m’appelle Flore car quand je suis née, mes parents trouvaient que j’avais une jolie petite tête en forme de marguerite. Mais notre ami le coucou me trouve trop maigre. Et il adore les frites allumettes de chez MacDo. C’est lui qui m’a surnommé Allumette, et ça m’est resté ! »

 

Un grattement de gorge se fit entendre. Prunelle tourna la tête et vit un hibou : « Bonjour, je m’appelle Prunelle ! » Le hibou continuait à se taire. Alors elle se tourna vers Allumette et lui demanda « Ce hibou est sourd ? » Le hibou manqua s’étrangler « Non, je ne suis pas sourd ! » répliqua-t-il aussitôt. « Alors pourquoi ne m’as-tu pas répondu ? » « Mmmmfffff » Allumette vint au secours de Prunelle : « Voici Pierre le Hibou. C’est le plus vieux des amis de la bande. Comme tu vois, il a toujours une plume à la main. D’ailleurs, on n’aurait pas dû l’appeler Pierre, mais Plume. A croire qu’il est né avec une plume à la main ! Pierre le Hibou est toujours en train de griffonner sur son vieux parchemin. Si tu lui demandes « qu’écris-tu encore ? », il bougonne, roule son parchemin, le glisse sous son aile et s’installe comme celui qui veut dormir pour ne plus être dérangé (tellement bien qu’il s’endort systématiquement !). Mais si personne ne lui pose la question, il se vexe et bougonne encore plus fort !!! Ah ! Pas facile, le Pierre… Il faut dire que c’est un hibou à la retraite, clerc de notaire de son métier. Il a passé sa vie à écrire et retranscrire des notes, des mémoires, des actes en tous genres, un nombre incalculable de documents écrits d’une belle calligraphie ronde, à la plume et à l’encre, sans rayure ni pâté ! » Prunelle était impressionnée : «  Mais comment faisais-tu pour ne jamais te tromper ?! » Pierre le Hibou se rengorgea « L’expérience, ma chère ! Et toi, tu travailles bien à l’école ? » C’était la question à ne pas poser !!! Prunelle se retrouva dans son lit et elle repensa à la dictée qui l’attendait le lendemain… Vite, il faut dormir !

 

 
 

Chapitre III

Lulu la Libellule

 

C’était l’heure de la leçon de calcul. Un petit garçon récitait une table de multiplication : 2x1=2, 2x2=4, 2x3=6, na et na, na, na et na, na…… Le camarade de Prunelle ânonnait sa table d’une voix monocorde, et Prunelle se mit à rêver : chaque « na » devenait une fourmi, qui se transforma en colonne de fourmis : dans un sens, les unes transportaient quelque graine ou feuille, les autres ressortaient de la fourmilière chercher autre chose.

Mais où donc était Pomme ? Pierre ? BiGoût ? Comme elle se trouvait seule, elle continua à observer les fourmis avec fascination : comment pouvaient-elles faire pour marcher avec ce poids sur le dos ? et comment retrouvaient-elles systématiquement le chemin de la fourmilière ?... Elle en était là de ses réflexions quand elle sentit un souffle d’air au-dessus de sa tête. Elle leva les yeux ; rien en vue. Elle allait revenir à la contemplation de ses fourmis quand elle vit une chose extraordinaire se poser devant elle : une libellule dans un avion-planeur !!!! Ca alors ! Elle n’y comprenait rien : une libellule, ça a des ailes pour voler !? Que faisait-elle dans cet engin ??? « Bonjour Prunelle ! » Elle sursauta. Elle ne s’y ferait jamais ! Des animaux, et maintenant des insectes qui parlent et qui l’appellent par son prénom !

 

« Bonjour libellule ». La libellule eut un gentil sourire « Je m’appelle Lulu ! » « Lulu la libellule, facile à retenir ! pensa Prunelle » « Eh oui, c’est en hommage à Allumette, car c’est elle qui m’a élevée » Prunelle était une petite fille très gentille et elle faisait bien attention à ce qu’elle disait pour ne pas risquer de vexer ses interlocuteurs. Mais là, elle ne put s’empêcher de s’exclamer « Ah bon ! C’est Allumette qui t’a élevée ? Mais où sont tes parents ? »

Pendant que Prunelle parlait, la libellule était sortie de son avion-planeur ; il fallait beaucoup de temps à Lulu pour détacher son harnais,  défaire son casque de dessous son menton et s’enlever ses grosses lunettes et ses gants. Elle avait tout de l’aviateur au temps des premiers avions !

Et c’est là que Prunelle comprit : Lulu la libellule n’avait pas d’ailes ! Prunelle rougit car elle crût avoir fait une gaffe en demandant où étaient les parents de Lulu. C’est sûr, comme elle était handicapée, ils l’avaient abandonnée ! C’est la dure loi de la nature !
 

C’est alors que Lulu raconta « Quand j’étais un tout petit bébé, le vent a soufflé très, très fort et je suis tombée du nid. Je suis tombée de si haut que je suis restée quelques minutes inanimée. Mes parents ont cru que j’étais morte. Ils étaient fous de chagrin. Alors ils ont préféré déménager pour essayer d’oublier un peu leur peine. Mais quand j’ai repris connaissance, ils n’étaient plus là ! Par contre, Allumette, qui avait observé la scène, m’a prise sous son aile, si je puis dire, car les miennes s’étaient cassées dans la chute. Puis j’ai grandi, j’ai joué avec Alfred, Pomme et BiGoût, et Pierre a été mon instituteur. Mais mon rêve était de voler, comme les autres libellules. Alors un jour, ils m’ont fait une surprise et m’ont offert ce superbe avion-planeur ! Hein, qu’il est beau !!! C’est Pierre qui a conçu les plans, BiGoût qui a récolté tout le matériel, et Alfred et Pomme qui l’ont construit. Allumette avait pour mission de me distraire loin du lieu de fabrication pendant qu’ils le construisaient. Ahhh !!! Ils m’ont fait une belle surprise… » Lulu avait les larmes aux yeux rien que de repenser à ce jour-là ! Pour ne pas s’émouvoir davantage, elle changea de conversation « Et toi, tu aimes la géométrie ? »

C’est alors que Prunelle entendit à son tour des coups de marteau. Non ! C’était la maîtresse qui tapait la règle contre son bureau pour ramener Prunelle à la réalité ! Aïe, aïe, aïe, elle allait encore être punie…

 

 
 

Chapitre IV

Pinpon le Dragon

 

La journée avait encore été très chaude. Pourtant, la lumière était allumée au-dessus de la table de la cuisine où Prunelle faisait ses devoirs. Des nuages annonciateurs de pluie s’étaient amoncelés au loin, masquant le soleil qui avait brillé toute la journée. Il avait fait si chaud que les tulipes et les jonquilles faisaient triste mine dans le jardin. Sur le rebord des fenêtres, les jardinières étaient plantées de pensées et de primevères. Mais toutes ces jolies petites fleurs aux couleurs si gaies avaient la tête en bas et les feuilles raplapla… La pluie était attendue avec impatience !
 

La maison était calme. La Maman de Prunelle tricotait dans le salon en regardant la télévision, mais elle avait mis le son tout bas pour ne pas déranger sa fille dans ses leçons. Prunelle apprenait consciencieusement sa leçon d’Histoire de France : Henri IV, Charlemagne, tous ces Louis, Dagobert… Dur, dur de se rappeler de tous ces noms et ces dates. Et dans l’ordre, s’il vous plait ! Ce n’était pas le tiercé où on avait droit aux numéros dans le désordre ! Prunelle soupira… Elle n’arriverait jamais à retenir tout ça ! C’est alors que la pluie commença à tomber. Cloc ! Cloc ! Cloc ! Ce bruit régulier assoupit légèrement Prunelle.
 

Ces gouttes de pluie ressemblaient aux larmes du petit Dragon… C’est alors qu’elle se demanda « Mais pourquoi pleures-tu, petit Dragon ? » Et le dragon répondit « Le Maître des Dragons m’a puni ! Je n’ai plus la possibilité de jeter des flammes ! Il m’a enlevé mon pouvoir car il me trouve trop gentil et dit que, comme je ne m’en sers pas souvent, cela ne sert à rien que j’aie ce don ! » Et le petit dragon se mit à pleurer de plus belle…
 

« Et comment t’appelles-tu, petit Dragon ? » « Je n’ai pas encore de nom car je n’ai pas encore été baptisé. Et en plus, maintenant que je n’ai plus mon pouvoir, je ne vais pas pouvoir participer au baptême du feu… »dit le petit Dragon en pleurant encore plus fort « Jamais je n’aurai de nom… Ouh, ouh, ouhhhhh… »
 

Prunelle tenta de le distraire pour lui occuper l’esprit afin qu’il arrête de pleurer. Elle regarda autour d’elle et trouva son ballon. Elle alla le chercher et le lui lança « Attrape ! ». Le petit Dragon l’attrapa facilement avec ses grandes mains… Oh ! Qu’il était beau avec toutes ces couleurs ! Il le tourna dans tous les sens pour l’admirer. Malheureusement, ses doigts griffus eurent tôt fait de faire éclater le ballon « Pan ! » Le petit Dragon eut de nouveau les larmes aux yeux. Bon, plus de ballon ! Tans pis…
 

Vite ! Trouvons autre chose ! Tiens ! La trottinette ! Prunelle montra au petit Dragon comment s’en servir. Il monta dessus, mais il pesait beaucoup plus que Prunelle, et surtout, beaucoup plus que ce que pouvait supportait la trottinette… « Craaaac » La trottinette était pliée en deux, hors d’usage. « Oh ! Ma trottinette ! » pensa Prunelle… Elle était un peu triste car elle en avait longtemps rêvé et ses parents venaient de la lui offrir pour son anniversaire… Ils n’allaient pas être contents !...
 

Mais Prunelle ne savait plus quoi faire pour distraire le Dragon ; elle aurait bien aimé qu’il arrête de pleurer pour pouvoir jouer avec lui !

Elle regarda de nouveau autour d’elle mais aucune idée ne lui vint. Son regard se posa sur les jardinières : les pensées et les primevères avaient retrouvé tout leur pimpant. Elle regarda dans le jardin ; les tulipes et les jonquilles se tenaient de nouveau toutes droites, très fières d’elles-mêmes.
 

Prunelle avait bien envie de faire un tour dans le ciel sur le dos du petit Dragon. La vue devait être magnifique…
 

Ah ! Mais voilà la solution ! « Regarde, petit Dragon ! Grâce à tes larmes, toutes les fleurs ici ont retrouvé vie !!! » Le petit Dragon ne voyait pas où Prunelle voulait en venir. Il la regarda avec de gros yeux étonnés « Mais si ! dit Prunelle. Tu ne comprends pas ? Tu pourrais te servir de tes grosses larmes pour arroser les champs et les jardins ! Tu seras sapeur-pompier d’un nouveau genre ! Tu arroseras sans qu’il y ait de flammes ! N’est-ce pas une bonne idée ?! »

Le petit Dragon était un peu perplexe, mais l’idée commençait à faire son chemin dans son esprit… « En plus, avec tes grandes ailes, tu peux voler haut et arroser de grandes surfaces… Et tu sais quoi ? reprit Prunelle. Tu t’appelleras PinPon !!! Ca te plairait ? » PinPon était conquis. Il était baptisé et surtout, il avait retrouvé une raison de vivre ! Grâce à Prunelle, il avait retrouvé le sourire. Merci Prunelle !
 

« Prunelle ?... Tes devoirs avancent ? » demanda Maman  « Zut… ma leçon d’Histoire… »

 

 
 

Chapitre V

La Tarte à l'Oignon

 

C’était une jolie journée ensoleillée mais fraîche. La véranda était l’endroit idéal pour se reposer. C’était ce que faisait Prunelle cet après-midi là, confortablement allongée sur le canapé. Il faut dire qu’elle avait très peu et très mal dormi la nuit dernière à cause d’un gros rhume qui l’avait empêché de respirer convenablement. Alors, sa Maman l’avait installée comme une princesse pour sa petite sieste : elle lui avait mis son pyjama préféré (celui avec des fleurs de toutes les couleurs et qui était si doux), lui avait fait de jolies couettes qu’elle avait attaché avec des rubans soyeux, et lui avait permis de garder ses pantoufles roses en forme de lapin. Prunelle adorait ces pantoufles : à chaque fois qu’elle remuait les orteils, les oreilles du lapin remuaient en tous sens, ce qui la faisait éclater de rire !
 

Malgré le soleil, sa Maman avait insisté pour la recouvrir d’une couverture bien chaude et lui avait mis un grand oreiller dans le dos. Bref ! Prunelle était plus qu’à son aise, et elle comptait bien en profiter ! Avec toutes ces couleurs et ces falbalas de la tête aux pieds, Prunelle ressemblait à un bonbon papillote, comme ceux qu’elle recevait chaque année pour Noël. Elle était là, les yeux fermés, et elle entendait sa Maman qui confectionnait dans la cuisine un pain d’épices pour le goûter. Miammm !!! Ce jour était presque aussi beau que celui de son anniversaire (avec le rhume en moins et les cadeaux en plus !)
 

« Prunelle ! » Prunelle s’était assoupie. Elle sursauta et ouvrit les yeux. Mais il n’y avait personne ! Mince alors ! Qui pouvait bien lui faire une farce ? Elle n’avait aucune envie de se lever pour chercher le plaisantin… Tant pis, il restera à l’attendre et se fera prendre à son propre piège ! Prunelle referma les yeux… « PRUNELLE !!! » Prunelle ne bougea pas mais pensa « Ah, mais qui donc ?... » « PRU-NE-LLE !!! » et Prunelle comprit : c’était ses amis Pinpon, Alfred et Pomme qui criaient pour attirer son attention ! Vite ! Que se passait-il ?
 

Prunelle arriva en courant ; elle s’affola de voir qu’Alfred, Pomme, Allumette entouraient Pinpon. Tous avaient l’air grave. Pierre le Hibou se tenait sur une branche un peu plus haute ; pour une fois, il n’avait pas son air grincheux habituel, il arborait lui aussi un air inquiet.

« Que vous arrive-t-il ? Pourquoi avez-vous tous l’air aussi sérieux et triste ?» Personne n’osait parler. Pinpon était le plus malheureux de tous et se tenait tête basse.  C’est alors que BiGoût arriva en courant « Alors, vous avez réussi à faire venir Prun… ? » C’est alors qu’il la vit « Ah ! Enfin, tu es là ! » Allumette intervint « Vas-y BiGoût, dis-lui ! La pauvre petite se demande ce qui se passe » BiGoût les regarda tous pour obtenir leur accord, se racla la gorge, puis se lança « Voilà, Prunelle ; notre nouvel ami Pinpon a un souci ; nous avons cherché à l’aider mais personne n’a su trouver une solution. Alors nous avons pensé à toi, tu es notre dernier espoir… » « Pinpon ? Mais que lui arrive-t-il ? Il était tellement heureux la dernière fois !? » « C’est justement ce qui pose problème, reprit BiGoût. Il est si heureux qu’il n’arrive plus à pleurer ! Il est incapable d’arroser les champs et les jardins !!! Comprends-tu mieux maintenant ? » « Ah oui, bien sûr ! Vous avez bien fait de m’appeler ! Et je suis bien contente de voir que vous avez accepté Pinpon aussi vite et aussi gentiment parmi vous !... Bon ! Voyons voir ce que nous pouvons faire pour lui… » Prunelle se mit à réfléchir, les yeux dans le vague et un index sur les lèvres. « Avez-vous essayé les chatouilles ? Parfois, à force de rire, on en vient à pleurer de rire ? » Pomme répondit « Avec Alfred, nous avons utilisé notre queue pour le chatouiller sous ses pieds, aux bras, au niveau des côtes, rien à faire ! Il se tord de rire ! Nous avons même grimpé à l’arbre pour prendre de la hauteur et pouvoir faire du toboggan sur son ventre. Il se plie en deux de rire, il se tient les côtes, il se roule par terre mais impossible de le faire pleurer. » « Bon, essayons de trouver autre chose… »  Prunelle réfléchit quelques instants « Pinpon, as-tu des parents que tu aimerais revoir mais qui vivent trop loin d’ici pour que tu puisses le faire ? Penser à eux pourrait te faire pleurer ? »  « Non, je suis le dernier d’une race éteinte et disparue. Quand j’ai cassé ma coquille pour sortir à l’air libre, mes parents étaient déjà morts, je ne les ai jamais connus » Pour le coup, c’est toute l’assistance qui se retint de pleurer !


« Prunelle ! Tu viens goûter ? Le pain d’épices est cuit ! »
 

« Ah ! Ma Maman m’appelle ; il faut que j’y aille. Ecoutez, je vous promets de réfléchir à ce problème et je reviens dès que j’ai la solution. En attendant, continuez de prendre bien soin de Pinpon et de ne pas le laisser seul ! » Maman entra à ce moment-là dans la véranda avec une assiette contenant quelques tranches de pain d’épices. « Tu  dois être bien fatiguée pour ne pas te lever pour du pain d’épices ! » ajouta-t-elle en posant l’assiette près de Prunelle. La petite fille ne dit rien ; elle attrapa machinalement une tranche et la mit à la bouche, mais toute son attention était dirigée sur le problème de Pinpon. Comment arriver à le faire pleurer ???
 

Prunelle était toujours allongée sur le canapé. Mais il lui était maintenant impossible de se reposer, elle était trop préoccupée et elle s’agitait beaucoup. Sans s’en rendre compte, elle avait mangé tout le pain d’épices que sa Maman lui avait apporté. Tout ce sucre lui donnait soif, et elle avait les doigts tout collants. Finalement, elle se leva et alla à la cuisine pour boire un verre d’eau et se laver les mains. Mais, quand elle entra dans la cuisine, la vue de sa Maman qui pleurait la cloua sur place. Comme elle avait un couteau à la main (elle épluchait des oignons),  Prunelle crût qu’elle s’était fait mal. « Maman, pourquoi pleures-tu ? Tu t’es fait mal ? Montre-moi ! » Mais Maman n’avait pas entendu arriver Prunelle, elle sursauta puis se mit à rire. « Prunelle ! Tu m’as fait peur… Non, je ne pleure pas ! » « Mais si, tu pleures, je vois des larmes, là !» Prunelle ne comprenait pas ; sa Maman pleurait mais elle lui disait qu’elle ne pleurait pas ! Quelle drôle d’histoire ! « Mais non, Prunelle. Je t’assure, je ne pleure pas vraiment. Ce sont les oignons qui me font pleurer ! » Prunelle était de plus en plus perdue… « Les oignons ? » « Oui, expliqua Maman. Dès que tu pèles un oignon, il te pique les yeux et ça te fait pleurer même si tu es de bonne humeur et que tu as envie de rire ! » « C’est vrai ?! » Prunelle n’attendit pas la réponse ; elle attrapa un oignon et essaya de l’éplucher avec ses petits doigts potelés. Très vite, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Ca y est ! Elle avait la solution pour Pinpon !!!
 

Le soir arriva. Maman dit « Prunelle, c’est l’heure d’aller au lit ! ». Prunelle jouait avec ses poupées. Elle les posa gentiment, souhaita une bonne nuit à ses parents et partit se coucher sous le regard interloqué de sa Maman. « C’est bien la première fois qu’elle part se coucher aussi vite ! Elle doit vraiment être très fatiguée… » pensa Maman.
 

Une fois couchée, Prunelle partit tout de suite rejoindre ses amis qui l’accueillirent avec joie et soulagement ; si elle revenait, c’est qu’elle avait la solution ! Youpi ! Quand Prunelle expliqua qu’il suffisait que Pinpon épluche et respire un oignon pour pouvoir pleurer, tous étaient sceptiques. Alors elle demanda si quelqu’un savait où trouver un oignon. Pomme partit aussitôt et revint quelques minutes plus tard, le légume à la main. Pinpon le prit maladroitement entre ses pattes, il ne voulait pas griffer Pomme ! Mais ses doigts acérés lui permirent justement d’éplucher rapidement l’oignon, si vite que celui-ci n’eut pas l’effet escompté ; Pinpon regarda Prunelle d’un air malheureux « Ca non plus, ça ne marche… » et les premières larmes apparurent, si grosses, qu’elles arrosèrent toute la troupe. Il ne pouvait plus s’arrêter de pleurer !!! Tous sautaient de joie, seul Pinpon riait et pleurait à la fois ; pour le coup, il avait une drôle de tête !

 

 
 

Chapitre VI

La Fête des Tortues

 

La cloche de l’école venait de sonner ; c’était la récréation. Tous les enfants sortirent en courant. Prunelle, elle, arriva dans la cour tristement. Le spectacle de fin d’année approchait et Prunelle était malheureuse. Comme tous les ans, son Papa ne serait pas là pour la voir sur scène car elle savait qu’il dirait : «J’ai beaucoup de travail, Prunelle. Je suis désolé »
 

Prunelle s’assit sur un banc et balança ses jambes. Tout d’un coup, elle aperçut Alfred et Pomme qui couraient, eux aussi. Où allaient-ils si vite ? Allumette, qui venait de passer au-dessus de sa tête, fit demi-tour et se posa sur une branche basse. Prunelle demanda « Mais ! Que se passe-t-il ? Où courrez-vous si vite ? » Allumette fut surprise « Tu n’étais pas au courant ? » « Au courant de quoi ?» « Aujourd’hui, c’est le jour de la Fête des Tortues ! Tu ne le savais pas ? » « Non… » répondit Prunelle « Et que faites-vous ce jour-là ? » « Ah ! C’est un jour très particulier ! Tu fais bien de venir aujourd’hui ! Allez, viens avec moi ! »

 

Allumette reprit son envol et Prunelle la suivit. Après avoir traversé un grand champ et un petit bois, elles arrivèrent dans une immense clairière coupée en deux par un joli cours d’eau. Une foule incroyable se tenait là. En fait, tous les animaux de la forêt et de la campagne avoisinante étaient déjà en place pour assister à la Fête des Tortues. Ils bavardaient calmement entre eux. L’arrivée de Prunelle suscita beaucoup de curiosité, mais elle fut accueillie très gentiment. Prunelle, très intimidée tout à coup, se tenait près d’Allumette et d’Alfred et Pomme. Elle, contrairement à tous, était très impatiente de voir à quoi ressemblait la Fête des Tortues !

 

Elle n’eût pas à attendre longtemps ; lorsqu’un grand « Oooohhh ! » s’échappa de toutes les poitrines, Prunelle comprit que les tortues arrivaient. C’est alors qu’elle les vit ; elle aussi ne put retenir un petit cri de surprise « Toutes ces tortues ! » pensa-t-elle. Le long de la rivière, arrivaient plusieurs dizaines de tortues, les plus jeunes devant et les plus âgées en dernier. Elles étaient à la fois très fières d’être le centre d’attention, et anxieuses de réussir leur spectacle. Car Prunelle comprit qu’il y aurait un spectacle ! Super !

 

En effet, après avoir marché en file indienne, et sans qu’on puisse s’en rendre compte, les tortues se mirent en rond, les plus petites à l’intérieur du cercle, puis elles firent un S, un carré, une pyramide. Elles exécutèrent ainsi de nombreuses figures, sans montrer que leur masse imposante les gênait. Prunelle en avait plein les yeux, elle se régalait. A la fin, tout le monde applaudit, siffla, cria des hourra ! Prunelle applaudit elle aussi bien fort. Ce spectacle avait été magnifique ! Elle s’en souviendrait longtemps !

Mais elle sentit que la prestation n’était pas finie, car personne ne bougeait. Et là, ce qu’elle vit la laissa bouche bée : les plus grandes tortues se mirent en position alternée : une sur le dos, l’autre sur le ventre, la tête de l’une touchant la queue de l’autre, ce qui créait un drôle de serpent, un coup bombé dessus, un coup bombé dessous. Alors, les petites tortues arrivèrent en serpent elles aussi. Celle en tête grimpa sur le ventre de la grosse tortue, qui la fit rebondir sur son ventre, puis la projeta sur la carapace de sa voisine. Et là… Prunelle crut rêver : les écailles de la grande tortue s’éclairaient sous les pattes de la petite !!! Une lumière bleue, une lumière jaune, une rouge, une verte, mauve, rose, turquoise... Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel y passèrent, et bien d'autres... Prunelle se frotta les yeux ; non, non, elle ne rêvait pas ! Une deuxième petite tortue prenait déjà son envol. Finalement, toutes les petites tortues se retrouvèrent, un coup en l’air, un coup à éclairer la clairière de lueurs multicolores quand elles retombaient sur les carapaces des aînées ! C’était féerique !!! Les tortues qui servaient de trempoline éclataient de rire car les petites leur faisaient des chatouilles au ventre, celles dont les écailles s'éclairaient étaient heureuses de rendre la foule heureuse. Prunelle était émerveillée ! « Ah… pensa-t-elle, si la réalité pouvait être aussi belle !... »

 

« Prunelle ! » « Prunelle !!! » « Euh… Ah !... Oui, Maîtresse ? » « Prunelle, dépêche-toi ! C’est à toi de monter sur scène ! » Mince ! Le spectacle de fin d’année ! Prunelle monta rapidement les quelques marches qui permettaient d’accéder à la scène installée pour l’occasion dans la cour de l’école. Puis elle se souvint que c’était le fameux spectacle, celui où son Papa ne venait jamais. Mais les grandes vacances d’été arrivaient et ils iraient tous les trois au bord de la mer ; elle pourrait peut-être profiter de lui à ce moment-là ?... Elle arriva au bord du podium, et fit face à la foule, les yeux embués de larmes. C’est alors qu’elle vit une main se lever et lui faire « Coucou ! ». Elle regarda plus attentivement : mais oui, c’était bien son Papa qui était assis à côté de sa Maman !!! Youpiiii ! Il était venu ! Ils étaient là tous les deux ! « Finalement, pensa Prunelle, la réalité est bien belle, elle aussi ! »

 

                    
FIN


                           Donnakal CET'1DIL

 




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