A la Perle des Mots...

"L'écriture est à mon âme
ce que les perles sont à mes mains ;
je ressors réjouie, je reviens guérie"

                      Donnakal CET'1DIL

 
 

Les aquarelles de Tiny et Julie


 

   

Chapitre I – Jo le Chat

 

Il était une fois, deux petites souris blanches qui vivaient à la campagne, sous les champs de blé et de tournesol. Le sol était calcaire, par conséquent très friable, ce qui provoquait d’immenses labyrinthes. Elles seules savaient y entrer et en sortir. Ces petites souris étaient deux sœurs jumelles et elles se ressemblaient tellement qu’on ne pouvait pas les distinguer l’une de l’autre, ce qui les amusait beaucoup !

Elles s’appelaient Tiny et Julie, et leur grande passion était la peinture, et plus particulièrement l’aquarelle. Dans leur grand labyrinthe, elles pouvaient s’adonner à leur loisir à l’infini ; elles trouvaient toujours un mur vierge pour accueillir leurs créations !

 

Une des deux entrées du labyrinthe donnait sur les champs, mais l’autre donnait dans une vieille bicoque où vivait une sorcière et son chat Jo.

La sorcière passait son temps à expérimenter des formules trouvées dans un vieux grimoire. Quant à Jo le chat, il était toujours dans les pattes de sa maîtresse. Il n’avait rien à faire de la journée, alors il se frottait inlassablement aux chaussettes de la sorcière.

 

Il faut dire que le look de la sorcière était un peu surprenant. Un pull informe, une jupe noire tâchée, des chaussettes à rayures (et en accordéon) et des charentaises trouées ! Le plus drôle était que les rayures des chaussettes de la sorcière étaient identiques aux rayures du pelage de Jo. La question se posait : qui avait déteint sur l’autre ? Jo sur les chaussettes ? Ou les chaussettes sur Jo ?

 

Mais la sorcière supportait de plus en plus difficilement ce chat qui était franchement collant ! Elle n’arrêtait pas de lui donner des coups de pied. Bon… il faut dire qu’avec ses charentaises trouées, elle ne lui faisait pas bien mal ! Mais elle aussi ! Elle oubliait (du moins, c’est ce que Jo pensait) de lui donner à manger, alors forcément… En fait, la sorcière avait arrêté de le nourrir parce qu’il grossissait, grossissait, grossissait… La sorcière s’imaginait qu’il attrapait des souris. Mais Jo était tellement paresseux que même chercher à manger était une corvée ! Alors, comment faisait-il pour grossir s’il ne mangeait pas ??? Mystère…

 

Ah ! Des souris ! S’il avait eu un peu plus de courage, il aurait bien aimé s’en faire un festin ! Surtout qu’il en connaissait deux qui vivaient non loin de lui. Mais rien à faire, il était tellement gros qu’il ne pouvait pas seulement passer la patte à travers le trou ! Gggrrrrrrrrrr….

 

La sorcière, quant à elle, mangeait sans arrêt. Si bien qu’elle était encore plus grosse que son chat. Tout ce qui s’appelait nourriture et se trouvait à sa vue finissait immanquablement dans sa bouche.

Bref ! Entre les rayures et le surpoids, maîtresse et animal se ressemblaient étrangement…

 

 

 

Chapitre II – Le Sortilège

 

Un jour, la sorcière poussa un hurlement de joie ! Elle avait découvert la formule pour rapetisser les choses. Mais elle ne voulait pas tester la décoction sur elle-même. Ah non ! C’était bien trop dangereux ! « Oh, Jo, que tu es pénible à la fin !!! » Elle n’avait pas fini sa phrase qu’une pensée lumineuse lui vint : elle aller tester son produit sur ce maudit chat ! Et elle serait débarrassée de lui !!! Elle ferait ainsi d’une pierre deux coups ! Oh ! Quelle bonne idée !!! Aussitôt dit, aussitôt fait ! Elle appela son chat ; et pour une fois que sa maîtresse lui donnait autre chose que des coups de pied, il ne se fit pas prier pour venir… La gourmandise est un vilain défaut !!! Tout le monde le sait… Sauf Jo ! En l’espace de quelques secondes, il se retrouva aussi petit (enfin… aussi « gros » !) qu’une prune ! Une prune rayée, avec quatre pattes et une queue !!! Il était vraiment ridicule. Et le pire était qu’il ne s’en rendait même pas compte ! Pauvre Jo… Il était vraiment trop bête…

 

Trop bête, dites-vous ? Bien au contraire ! Il avait enfin la possibilité d’aller attraper les deux petites souris blanches !!! Quelle aubaine ! Pour le coup, sa paresse s’envola d’un seul coup. C’était trop alléchant pour perdre une seule seconde !

 

Il s’approcha tout doucement de l’entrée du labyrinthe. Tiny et Julie peignaient ; chacune était devant son mur et de temps en temps, pour rompre le silence, elles se lançaient des blagues. Jo était hypnotisé par la vue de ce bon repas qui l’attendait… « Clin, clan, clan, clan » Jo n’avait pas vu les pots de peinture à ses pieds. Il avait une patte toute bleue, mais surtout, le bruit avait alerté Tiny et Julie !!! Palette et pinceaux volèrent ! Vite, vite ! Il fallait fuir… Le chat n’était pas en condition physique pour courir. Et sa patte bleue l’avait tellement surpris qu’il resta là, à la regarder d’un air bêta pendant quelques secondes. C’était suffisant pour donner un peu d’avance à nos deux jumelles. Vite ! Vite ! Un petit détour par le garde-manger, un autre par l’atelier, et il fallait filer ! Jo s’était remis de sa surprise et avait commencé à les courser ! Il fallait le semer à travers le labyrinthe ! Mais il ne fallait pas se perdre non plus dans l’affolement et trouver la sortie dans les champs… Viiiiiiiteee !… Julie ouvrait la voie et se retournait régulièrement pour voir si Tiny suivait. En chemin, elles perdirent un petit bout de fromage et un pinceau ; tant pis ! Leur vie était en jeu. Allez Tiny, cours, cours ! Elles entendaient le chat Jo non loin derrière. Malgré son poids et le manque d’exercice physique, la haine et le besoin de revanche lui faisait tenir le rythme ; elles avaient été si près et si loin à la fois pendant tant d’années … Elles étaient maintenant à sa portée et il ne comptait pas laisser passer sa chance. Et il avait FAIM !!! Alors il se motivait tout seul « Allez, cours, mon Jo, vas-y, cours ! » Mais les souris avaient presque atteint la sortie, Jo devait faire un dernier effort pour ne pas les perdre de vue et les rattraper avant qu’elles ne soient dans les champs !

 

Ca y est, Julie était dehors et aidait Tiny à sortir toutes leurs affaires. « Allez, cours, mon Jo, vas-y, encore un petit effort ! » Ouf ! Jo atteignit à son tour la sortie. Il passa la tête par le trou, et la tourna à gauche et à droite pour repérer les souris. Ah ! les coquines ! Elles s’étaient cachées… Il commençait à voir rouge… Avoir fait toute cette course pour les perdre à la dernière seconde… C’est alors qu’il aperçut un petit bout de queue qui dépassait entre les hautes herbes. Tiens donc… elles n’étaient pas si loin que ça finalement ! Jo se lécha les babines, sortit une patte puis la… « Mais, mais… Que m’arrive-t-il ? Qu’est-ce qu’il se passe ??? Au secours ! A l’aide !» Eh oui ! Le sortilège était terminé et Jo le chat reprenait sa taille normale ! Sauf qu’il avait la tête et les pattes avant qui avaient repris leur taille initiale mais l’arrière du corps était bloqué dans le labyrinthe et il se retrouvait complètement coincé ! Il entra dans une colère noire ! Il se mit à siffler de rage, à miauler tout ce qu’il savait ! Cela n’arrangea rien, bien au contraire ! Le bruit attira nos deux petites souris, qui osèrent enfin se retourner et jeter un œil pour voir ce qu’il se passait… A la vue du chat, miaulant, sifflant, une tête énorme sur un corps minuscule et une patte bleue brassant le vide, elles ne purent se retenir de rire !!!

  

Voyant qu’elles ne risquaient plus rien, la peur laissa place à un rire nerveux doublé d’une hilarité grandissante à la vue de Jo en colère. Elles se tenaient les côtes tellement elles riaient, elles avaient fini par tomber sur le dos et se roulaient d’un côté à l’autre ; elles n’en pouvaient plus de rire, elles en pleuraient. Elles essayaient de se calmer, mais dès qu’elles se regardaient, le rire les reprenait de plus belle ! Ah, ce Jo ! Finalement, il allait les faire mourir de rire !!!!

 

Jo, quant à lui, était vert de rage, il fulminait ! Non seulement il n’avait pas réussi à attraper deux petites souris, mais en plus, elles avaient réussi à le ridiculiser. Son humeur vacillait entre la colère et la honte. La plus grande honte de sa vie de chat…

 

 

 

Chapitre III – La Maison du Bonheur

 

Au bout de longues minutes, Tiny et Julie finirent par retrouver leur calme. Un nouveau problème se présentait : elles n’avaient plus de toit. Elles reprirent donc leurs maigres affaires et se mirent en route ; il fallait qu’elles trouvent un nouvel endroit pour dormir en sécurité avant la nuit. Tiny se chargea du matériel de peinture et Julie de la nourriture. Elles avançaient l’une derrière l’autre, tout en regardant à droite et à gauche, parfois en levant la tête pour jeter un œil à travers les hautes herbes. Elles traversèrent ainsi une quantité incalculable de champs, puis un fleuve, puis un désert (bizarre, il était en terre et non en sable !). La vue d’un deuxième fleuve était trop pour leurs petites pattes ; elles décidèrent de s’arrêter un peu pour grignoter et se reposer, elles profiteraient de l’eau du fleuve pour s’abreuver. Après une courte sieste, elles reprirent la route. Après l’autre fleuve, elles marchèrent à nouveau à travers champs (du sorgho, du maïs, du colza…) quand tout d’un coup, elles aperçurent une maison !

 

Quoi faire ? Elles hésitaient ; Fallait-il passer loin de la maison, au risque de passer près d’un toit pour la nuit ? Ou bien aller voir ce qu’il y avait à l’intérieur ? En tout cas, elles étaient d’accord sur un point : plus question de vivre sous le même toit qu’une sorcière qui avait un chat qui lui ressemblait ! Elles décidèrent d’aller voir. Elles cachèrent leurs affaires ; elles reviendraient les chercher si l’endroit leur convenait. Tiny et Julie avancèrent côte à côte pour se donner du courage mutuellement. Elles firent le tour de la maison à la recherche d’un petit trou qui les laisserait pénétrer à l’intérieur. Elles finirent par en trouver un. Elles s’arrêtèrent devant le trou, se regardèrent et prirent une grande bouffée d’air ; Tiny passa la première, Julie sur ses talons. Et là, ce qu’elles virent les cloua sur place !

 

C’était une grande pièce en bois, très claire et lumineuse. Au centre, se trouvait un homme qui travaillait devant un chevalet ; plusieurs animaux l’entouraient : un chat, un chien, un coucou, un perroquet, un petit poisson dans son petit aquarium. Mais le plus extraordinaire était que tous avaient une feuille de papier ou un pinceau à la main !!! Ca alors !... Tiny et Julie eurent en même temps le même réflexe de se frotter les yeux… Non, tout était bien réel, il y avait bien des animaux qui savaient dessiner ou peindre ! Sur un des côtés de la pièce, il y avait une cheminée. Dans l’âtre, il restait des petits morceaux de bois et de la cendre. Mais au fond de l’âtre, quelqu’un avait peint de jolies flammes dansantes, très vivantes. Et à côté de l’âtre, comme s’il pensait que c’était l’endroit le plus chaud de la pièce, se tenait un joli chat noir et blanc. Il dormait paisiblement devant une feuille de papier. Sur la feuille, on pouvait voir un bol de riz au lait. En face de la cheminée, il y avait la porte d’entrée, gardée par le chien. De temps en temps, il ouvrait un œil pour regarder si tout allait bien, mais tout le monde était tranquille et il n’avait pas grand-chose à garder. Avant de refermer les yeux, il posait tendrement un œil sur la toile en train de sécher, qui représentait une série d’os, chacun enrubanné d’un beau nœud soyeux et pastel.

 

Au mur, près de la fenêtre, était accrochée une pendule avec un coucou qui sortait toutes les heures. Sauf que la pendule était depuis longtemps déréglée et le coucou était à l’air libre et debout sur son perchoir ; il se tenait devant le cadran de la pendule et peignait inlassablement des aiguilles. Une fois les deux aiguilles finies, il se reculait un peu, penchait la tête sur le côté pour admirer son travail, puis sortait un chiffon de sous son aile et effaçait tout pour mieux recommencer. Bref ! Tout le monde avait depuis longtemps perdu la notion du temps… Dans un coin de la pièce, on pouvait voir le petit aquarium avec le petit poisson. Lui était, comme son maître, à l’ouvrage devant son chevalet. Il fignolait un fonds marin dans lequel il aurait eu tant de place et de liberté !... Et près de la table, il y avait une grande cage avec un perroquet. Ce dernier tenait amoureusement une toile, grande mais mince, représentant un perroquet femelle, l’amour de sa vie qu’il ne connaîtrait jamais…

 

Tiny et Julie n’en revenaient pas ; c’était la maison du bonheur pour elles qui aimaient peindre ! Elles n’eurent pas besoin de réfléchir ni de se concerter. Dans un même mouvement, elles firent demi-tour pour aller chercher leurs affaires, tant est si bien qu’elles se cognèrent à vouloir passer en même temps par le petit trou ! Mais elles s’installeraient ici, c’est dit !

 

Finalement, Jo le chat n’avait pas eu que du mauvais ; sa méchanceté leur avait permis de trouver un endroit encore plus idyllique que leurs labyrinthes. Comme quoi, « à toute chose, malheur est bon »

 

 

                           Donnakal CET'1DIL




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